Des diamants aux denrées : Le choix de l’agriculture contre l’insécurité alimentaire en RDC

Article : Des diamants aux denrées : Le choix de l’agriculture contre l’insécurité alimentaire en RDC
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15 février 2024

Des diamants aux denrées : Le choix de l’agriculture contre l’insécurité alimentaire en RDC

Avec une superficie d’environ 2,345 millions de km², la République Démocratique du Congo (RDC) est l’un des plus vastes pays d’Afrique. Le pays est doté d’un potentiel agricole considérable, possédant à son actif près de 80 millions d’hectares de terres arables. Cependant, cette richesse agricole potentielle contraste fortement avec l’actuelle réalité socio-économique du pays. Selon un rapport conjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et du Programme Alimentaire Mondial (PAM), plus d’un quart de la population du pays – soit plus de 25 millions de personnes – fait face à une grave insécurité alimentaire.

Mbujimayi est une ville et la capitale de la province du Kasaï-Oriental, dans le centre-sud de la République démocratique du Congo
De la verdure près des habitations dans les villages, preuve de la richesse agricole des terres congolaises.

Le Diamant est Leur choix…

Mais le Congo ne se résume pas à des terres arables. C’est également un pays riche en minerais, avec une diversité de richesses dans toutes les régions qui le constituent. Par exemple, dans la région du Grand Kasaï, c’est le diamant qui prédomine. La ville de Mbujimayi, chef-lieu de la province du Kasaï-Oriental, est tellement associée à cette précieuse ressource qu’elle est communément appelée « ville diamantifère ».

Des bureaux d’achat de diamants en centre ville de Tshikapa, capitale de la province du Kasaï

Autrement dit, c’est une ville riche en diamants et en affaires liées à ces minerais. Un fait indiscutable, qui ne connaît pas la MIBA au Congo ? La Minière de Bakwanga (MIBA) est une société minière ayant eu une grande influence économique dans la région. Mais c’était une autre époque. Aujourd’hui, cette société qui était autrefois le poumon économique de la ville est en faillite depuis plus de dix ans. Cette faillite a porté un coup dur à l’économie de la ville où la vie est devenue chère et où une grande partie de la population souffre d’insécurité alimentaire. Et cela, malgré les terres arables que possède cette région. Les diamants n’étaient pas uniquement exploités par la MIBA et les autres sociétés minières, mais aussi par la population qui creusait et continue de creuser illégalement dans les mines pour repêcher une ou plusieurs pierres à revendre aux acheteurs de diamants, également appelés « trafiquants ». Creuser et trouver un diamant est perçu comme gagner au loto. Les gens revendent leur trouvaille mais dépensent souvent de manière excessive leur argent car ils pensent qu’ils pourront toujours creuser et trouver d’autres pierres. Il semble que les diamants, bien qu’ils aient contribué à une époque au développement de la ville, ont finalement rendu un mauvais service à la population de la région.

Cultiver la terre, c’est pour les villageois, disent-ils…

Pourtant, le Kasaï est l’une des régions du Congo ayant des terres très arables. Mais beaucoup se sont convaincus dans la région que l’agriculture est un métier de villageois, et non pour les citadins. Et donc, les villages cultivent et produisent non seulement pour eux, mais aussi pour nourrir la ville qui paiera en argent. Il est rare de trouver des potagers dans les parcelles des gens dans la ville de Mbujimayi. Peu importe la surface de l’espace vert que les gens ont autour de leur maison, ils n’ont pas la culture de cultiver, même de simples légumes. Ainsi, les habitants de Mbujimayi achètent tout, des tomates aux feuilles de manioc (Pondu, Matamba) comme on les appelle localement. Pourtant, ces espaces verts autour des maisons sont riches et arables. Parfois, il suffit de laisser tomber une graine par terre pour la voir germer après quelques jours.


Le potager de M. Ntambua, un habitant de la ville de Mbujimayi

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Mais lui a fait un choix, celui de ne rien acheter…

Les légumes consommés par les habitants de la ville de Mbujimayi proviennent principalement des villages environnants. Des femmes, communément appelées « mamans vendeuses », se rendent soit directement dans ces villages, soit à un point de rencontre spécifique pour s’approvisionner auprès des agriculteurs locaux. Cependant, tous les légumes ne viennent pas des villages. Il existe aussi des producteurs locaux à Mbujimayi, des personnes qui ont choisi de cultiver la terre malgré les préjugés associés à l’agriculture.

L’un d’eux est Ntambua, originaire de Bena Manda, un village non loin de Mbujimayi. Il vit à Mbujimayi depuis plus de 20 ans. À son arrivée en ville, il était contrarié de devoir acheter tous ses légumes au marché. Ainsi, il chercha un terrain pour cultiver ses propres légumes. Il en trouva un près du pont de Mbujimayi, sur la rivière Lubilanji. Ce terrain marécageux est aujourd’hui un potager productif où Ntambua cultive des légumes, élève des poissons et plante des arbres.

Ntambua affirme que ceux qui considèrent l’agriculture comme une activité réservée aux villageois ne comprennent pas encore tout. Selon lui, nous avons des terres très arables dont nous devons tirer profit. En choisissant de cultiver la terre, Ntambua est devenu autosuffisant. Il n’a plus besoin d’acheter ses légumes au marché car il les produit lui-même. De plus, les « mamans vendeuses » viennent dans son potager pour acheter des légumes à revendre. Ainsi, non seulement Ntambua a-t-il suffisamment de légumes pour sa famille, mais il génère également des revenus grâce à ses ventes.

En dépit des stigmates attachés au métier d’agriculteur dans cette ville, Ntambua a fait le choix de l’autosuffisance alimentaire. Heureusement, les choses commencent à changer à Mbujimayi. Les habitants commencent à comprendre l’importance d’investir dans l’agriculture et de travailler la terre. De plus en plus de jeunes se tournent vers des études d’agronomie dans les universités locales.

Il est à espérer que les terres arables du Kasaï seront un jour pleinement exploitées par les habitants de la région. Cela permettrait de réduire l’insécurité alimentaire et d’éviter les hausses de prix des denrées alimentaires.

Découvrez ci-dessous à travers quelques clichés le potager de M. Ntambua. Il produit lui-même ses semences et il ne manque presque jamais de fruits dans son espace !

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