Ruben Nyanguila

Des diamants aux denrées : Le choix de l’agriculture contre l’insécurité alimentaire en RDC

Avec une superficie d’environ 2,345 millions de km², la République Démocratique du Congo (RDC) est l’un des plus vastes pays d’Afrique. Le pays est doté d’un potentiel agricole considérable, possédant à son actif près de 80 millions d’hectares de terres arables. Cependant, cette richesse agricole potentielle contraste fortement avec l’actuelle réalité socio-économique du pays. Selon un rapport conjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et du Programme Alimentaire Mondial (PAM), plus d’un quart de la population du pays – soit plus de 25 millions de personnes – fait face à une grave insécurité alimentaire.

Mbujimayi est une ville et la capitale de la province du Kasaï-Oriental, dans le centre-sud de la République démocratique du Congo
De la verdure près des habitations dans les villages, preuve de la richesse agricole des terres congolaises.

Le Diamant est Leur choix…

Mais le Congo ne se résume pas à des terres arables. C’est également un pays riche en minerais, avec une diversité de richesses dans toutes les régions qui le constituent. Par exemple, dans la région du Grand Kasaï, c’est le diamant qui prédomine. La ville de Mbujimayi, chef-lieu de la province du Kasaï-Oriental, est tellement associée à cette précieuse ressource qu’elle est communément appelée « ville diamantifère ».

Des bureaux d’achat de diamants en centre ville de Tshikapa, capitale de la province du Kasaï

Autrement dit, c’est une ville riche en diamants et en affaires liées à ces minerais. Un fait indiscutable, qui ne connaît pas la MIBA au Congo ? La Minière de Bakwanga (MIBA) est une société minière ayant eu une grande influence économique dans la région. Mais c’était une autre époque. Aujourd’hui, cette société qui était autrefois le poumon économique de la ville est en faillite depuis plus de dix ans. Cette faillite a porté un coup dur à l’économie de la ville où la vie est devenue chère et où une grande partie de la population souffre d’insécurité alimentaire. Et cela, malgré les terres arables que possède cette région. Les diamants n’étaient pas uniquement exploités par la MIBA et les autres sociétés minières, mais aussi par la population qui creusait et continue de creuser illégalement dans les mines pour repêcher une ou plusieurs pierres à revendre aux acheteurs de diamants, également appelés « trafiquants ». Creuser et trouver un diamant est perçu comme gagner au loto. Les gens revendent leur trouvaille mais dépensent souvent de manière excessive leur argent car ils pensent qu’ils pourront toujours creuser et trouver d’autres pierres. Il semble que les diamants, bien qu’ils aient contribué à une époque au développement de la ville, ont finalement rendu un mauvais service à la population de la région.

Cultiver la terre, c’est pour les villageois, disent-ils…

Pourtant, le Kasaï est l’une des régions du Congo ayant des terres très arables. Mais beaucoup se sont convaincus dans la région que l’agriculture est un métier de villageois, et non pour les citadins. Et donc, les villages cultivent et produisent non seulement pour eux, mais aussi pour nourrir la ville qui paiera en argent. Il est rare de trouver des potagers dans les parcelles des gens dans la ville de Mbujimayi. Peu importe la surface de l’espace vert que les gens ont autour de leur maison, ils n’ont pas la culture de cultiver, même de simples légumes. Ainsi, les habitants de Mbujimayi achètent tout, des tomates aux feuilles de manioc (Pondu, Matamba) comme on les appelle localement. Pourtant, ces espaces verts autour des maisons sont riches et arables. Parfois, il suffit de laisser tomber une graine par terre pour la voir germer après quelques jours.


Le potager de M. Ntambua, un habitant de la ville de Mbujimayi

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Mais lui a fait un choix, celui de ne rien acheter…

Les légumes consommés par les habitants de la ville de Mbujimayi proviennent principalement des villages environnants. Des femmes, communément appelées « mamans vendeuses », se rendent soit directement dans ces villages, soit à un point de rencontre spécifique pour s’approvisionner auprès des agriculteurs locaux. Cependant, tous les légumes ne viennent pas des villages. Il existe aussi des producteurs locaux à Mbujimayi, des personnes qui ont choisi de cultiver la terre malgré les préjugés associés à l’agriculture.

L’un d’eux est Ntambua, originaire de Bena Manda, un village non loin de Mbujimayi. Il vit à Mbujimayi depuis plus de 20 ans. À son arrivée en ville, il était contrarié de devoir acheter tous ses légumes au marché. Ainsi, il chercha un terrain pour cultiver ses propres légumes. Il en trouva un près du pont de Mbujimayi, sur la rivière Lubilanji. Ce terrain marécageux est aujourd’hui un potager productif où Ntambua cultive des légumes, élève des poissons et plante des arbres.

Ntambua affirme que ceux qui considèrent l’agriculture comme une activité réservée aux villageois ne comprennent pas encore tout. Selon lui, nous avons des terres très arables dont nous devons tirer profit. En choisissant de cultiver la terre, Ntambua est devenu autosuffisant. Il n’a plus besoin d’acheter ses légumes au marché car il les produit lui-même. De plus, les « mamans vendeuses » viennent dans son potager pour acheter des légumes à revendre. Ainsi, non seulement Ntambua a-t-il suffisamment de légumes pour sa famille, mais il génère également des revenus grâce à ses ventes.

En dépit des stigmates attachés au métier d’agriculteur dans cette ville, Ntambua a fait le choix de l’autosuffisance alimentaire. Heureusement, les choses commencent à changer à Mbujimayi. Les habitants commencent à comprendre l’importance d’investir dans l’agriculture et de travailler la terre. De plus en plus de jeunes se tournent vers des études d’agronomie dans les universités locales.

Il est à espérer que les terres arables du Kasaï seront un jour pleinement exploitées par les habitants de la région. Cela permettrait de réduire l’insécurité alimentaire et d’éviter les hausses de prix des denrées alimentaires.

Découvrez ci-dessous à travers quelques clichés le potager de M. Ntambua. Il produit lui-même ses semences et il ne manque presque jamais de fruits dans son espace !


Un récit artisanal : les baleinières de Dibaya-Lubwe

En République démocratique du Congo (RDC), le terme « baleinière » prend une signification particulière. Il désigne des péniches, ces bateaux à fond plat, qui sillonnent les eaux du fleuve Congo et de ses affluents, créant ainsi un réseau vital de transports fluviaux et lacustres.

Tout comme les poissons, les baleinières ont leur propre histoire à raconter dans les villages qui longent la majestueuse rivière Kasaï, en territoire d’Idiofa, dans la province de Kwilu. Les baleinières, appelées ainsi en référence aux premiers bateaux à vapeur métalliques du bassin du fleuve Congo, ont une histoire profondément enracinée. L’évolution du terme, résultat des influences linguistiques européennes, témoigne des transformations socio-culturelles. Autrefois associé aux petites embarcations de servitude en tôle, le terme désigne désormais un bateau à fond plat, construit en bois local, utilisé pour le transport de marchandises et de passagers.

💡Le Saviez-vous ?

Dans les langues locales d’Afrique centrale, le terme « bateau à vapeur » a été traduit littéralement en « pirogue à fumée » (« owaro-otutu » ou « mbongo-a-motutu »). Une métaphore poétique pour désigner les premiers bateaux à vapeur métalliques explorant les voies navigables de la région.

Les baleinières au coeur du réseau fluvial en RDC

Avec une superficie hydraulique imposante, Dibaya-Lubwe offre un spectacle mémorable à quiconque l’évoque. Son grand port, un héritage du Maréchal Mobutu, s’inscrit comme une icône incontournable. Ce port, synonyme de transport fluvial, est le théâtre d’une diversité de bateaux, pirogues et bien plus encore. Au cœur de ce réseau fluvial les baleinières, ces embarcations traditionnelles en bois aux lignes artisanales, jouent un rôle vital. Ces navires, intensément utilisés par les exploitants et les habitants riverains, naviguent là où les grands navires ne peuvent accéder. Ils assurent le transport essentiel des passagers et des marchandises, liant ainsi Dibaya-Lubwe à Ilebo, de Dibaya-Lubwe à Bandundu, et au-delà.

Le port de Dibaya-Lubwe : des baleinières artisanales en pleine activité déchargeant les marchandises et les biens des clients/photo du Reporter (Ruben)

Cependant, les baleinières dépassent le simple statut de moyen de transport. Elles incarnent une prise de conscience en République démocratique du Congo quant à la valeur de ses ressources naturelles. Grâce aux riches forêts du pays, toutes les essences de bois nécessaires à la construction de ces embarcations sont à portée de main. Jadis destiné principalement à l’exportation, le bois connaît aujourd’hui une valorisation locale croissante, générant de nouveaux emplois et stimulant la construction de davantage de baleinières.

Des planches de bois, issues de la forêt équatoriale au bord de la rivière Kasaï/photo du Reporter (Ruben)

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Entre la cité et la forêt équatoriale, le quotidien des habitants de Dibaya-Lubwe

La conception de baleinière

Façonner une baleinière, c’est s’engager dans une aventure exigeante qui demande du temps, de la patience, des compétences pointues et une véritable passion pour l’artisanat. Pour faire simple : chaque planche raconte une histoire de détermination et de travail acharné.

Le groupe de jeunes fabricants de baleinières de Dibaya-Lubwe/photo du Reporter (Ruben)

Au cours de son exploration, le Reporter a eu le privilège de rencontrer un groupe de jeunes de Dibaya-Lubwe, durant l’une de ces constructions.

Les mains expertes de ces jeunes artisans transforment le bois brut de la forêt en une embarcation robuste de 15 à 30 mètres de long, capable de transporter entre 40 et 140 tonnes de marchandises sur les eaux majestueuses de la rivière Kasaï. Ces artisans utilisent des outils traditionnels de bûcheron et de charpentier, tels que des haches, des coins, des masses, des scies à main, des scies de travers, des ciseaux, des lissoirs, des marteaux, des rabots, et bien d’autres encore.

Cette métamorphose artistique, souvent étalée sur plusieurs mois, est une ode à la fusion de la tradition et de la fonctionnalité au cœur de la vie fluviale à Dibaya-Lubwe.

Mais chaque embarcation raconte aussi une histoire de prudence. Chaque année, les nouvelles sont remplies de tragédies de baleinières ayant fait naufrage. Ces incidents, souvent mortels, mettent un grand accent sur l’importance d’une construction minutieuse et détaillée, soulignant la gravité des risques encourus.

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Par-delà le Kasaï : l’immersion du Reporter dans le Kwilu et les gros poissons frais de ses régions

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Par-delà le Kasaï : l’immersion du Reporter dans le Kwilu et les gros poissons frais de ses régions

Les distances sur Google Maps peuvent parfois sembler plus longues, en particulier lorsque le Reporter envisage de quitter sa région du grand Kasaï pour d’autres régions comme le Kwilu, où il a récemment séjourné. Cependant, une fois sur la route, le Reporter prend plaisir à voyager, et ce en dépit des difficultés des routes congolaises. Qu’il soit à bord d’un camion ou, plus souvent, sur une moto, l’aventure l’attire toujours. Elle lui offre une multitude de vues sur de beaux paysages et divers villages le long de la route. C’est dans cette perspective que le Reporter s’est rendu dans les villages de la province de Kwilu, précisément dans le territoire d’Idiofa.

755 kilomètres parcourus, quelle aventure si longue pour le Reporter !

Là-bas, c’est un autre monde, une autre langue. Le Reporter ne parle que sa langue maternelle, le Tshiluba, parlée dans sa région (le grand Kasaï), le français – langue officielle de la RDC, un peu d’anglais et le Lingala. Cependant, dans la région de Kwilu, on parle le Kikongo, l’une des quatre langues nationales.

Malgré les barrières linguistiques, le Reporter vit une magnifique aventure qu’il immortalise, comme toujours, avec son appareil photo. Son expérience la plus intéressante est celle avec les poissons de Dibaya-Lubwe, l’une des cinq communes rurales du territoire d’Idiofa, connue pour son majestueux port sur la majestueuse rivière Kasaï.

Cette rivière n’est pas seulement un point de transit pour le port, elle offre aussi à Dibaya-Lubwe une abondance de poissons. Le Reporter admire la beauté de la rivière Kasaï, sa grandeur, la forêt équatoriale que l’on peut apercevoir de l’autre côté de la rivière. Alors qu’il savoure ce magnifique et paisible endroit, il voit des femmes de Dibaya-Lubwe se rendre également sur les rives pour attendre les pirogues de pêcheurs.

Voici une galerie de 4 photos des rives de la rivière Kasaï, où les marchandes de poissons viennent attendre les pêcheurs tôt le matin. Ces derniers arrivent avec des poissons dans leurs pirogues, qu’ils ont pêchés toute la nuit. Les marchandes font leur choix et achètent les poissons qui leur plaisent et qu’elles vont revendre à la cité.

Il voit pour la première fois de très gros poissons frais, ce qu’il n’a pas l’habitude de voir dans sa région où la pêche n’est pas courante. Geste touchant, ces femmes lui offrent un gros poisson. De retour chez son hôte à Dibaya-Lubwe, le poisson est préparé et une heure plus tard, le repas est prêt. Toutefois, le Reporter n’était pas préparé à la cuisine de la région. Comment aurait-il pu le faire savoir à son hôte alors que dans nos cultures, il est d’usage d’attendre que l’hôte pose la question lui-même. Ainsi, le foufou à base de manioc de la région de Kwilu est différent de celui à base de maïs qu’il connaît, tout comme le poisson préparé à la manière locale.

Effectivement, dans la région de Kwilu, le chikwange est beaucoup plus consommé que le fufu. Sur place, les chikwanges sont de taille considérable et demeurent bon marché, ce qui constitue un réconfort pour le Reporter. Comprenez-vous ? La richesse des villages de la RDC réside dans leur diversité. Bien que leur architecture puisse sembler similaire, on y trouve toujours une certaine diversité de fond. Le Reporter vous conseillerait donc de vous informer suffisamment sur la gastronomie locale avant de vous rendre dans une région donnée. L’alimentation est primordiale car si vous mangez mal, vous ne serez pas en mesure de bien accomplir vos autres tâches. Cependant, le Reporter peut vous assurer d’une chose: à Dibaya-Lubwe, vous trouverez de gros poissons pêchés dans la majestueuse rivière Kasaï.

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Les chèvres, une part importante de la culture congolaise
Des gros poissons pour le Reporter/Cité rurale de Dibaya-Lubwe

#LaVieRuraleAfricaineRacontéeParRuben


Les chèvres, une part importante de la culture congolaise

La vie dans le milieu rural en RDC est caractérisée par trois types de travail bien connus : l’agriculture, l’élevage et la pêche. Si cette dernière est facultative dans la perception qu’on peut avoir des villages en raison que tous les villages n’ont pas des rivières ou des lacs où ils peuvent se ressourcer en poissons, les deux premières activités sont impossibles à ne pas imaginer dans le milieu rural congolais.

Un regard sur le milieu rural congolais, où la tradition s’épanouit encore dans une atmosphère paisible et tranquille.

La première, l’agriculture, est indéniablement présente en RDC. Le pays dispose de terres très arables et les villages jouent un rôle essentiel dans la culture et la production alimentaire. Les communautés rurales cultivent ces terres et produisent de la nourriture pour leur subsistance.

La deuxième activité, l’élevage, est également omniprésente. Dans les régions où la chasse n’est pas possible faute de forêts, les villages se tournent vers l’élevage d’animaux tels que les volailles, les bovins, les chèvres… etc. Au fil du temps, une relation particulière s’est tissée entre l’homme et ces animaux domestiques, qui font désormais partie intégrante des traditions et des cultures des communautés.

Agriculture

La houe fermement tenue dans sa main droite, et une marmite remplie de semences dans l’autre main, cette femme paysanne de la chefferie de Bakwa Mukulumba au Grand Kasaï, au centre de la RDC, défie son âge et démontre chaque jour sa passion pour la terre qu’elle laboure avec sa famille depuis plusieurs années. »

Delphin Ntumba et sa chèvre Tshika

Un jeune paysan de la chefferie de Bakwa Mukulumba partage son enthousiasme pour l’élevage des chèvres. Chaque jour, il attache sa chèvre à la corde pour la mener pâturer dans la brousse, admirant sa croissance et sa capacité à donner naissance à de nombreux petits. Tshika, la chèvre de Delphin, contribue aux avantages financiers de sa famille grâce à sa progéniture.

Aujourd’hui, il est presqu’impossible de se rendre dans un village sans y trouver des animaux domestiques. Par exemple, dans la région du grand Kasaï en RDC, on observe une abondance de volailles telles que les poules, ainsi que de chèvres et de cochons. D’ailleurs, les chèvres occupent une place particulière dans la culture et les traditions du grand Kasaï, ainsi que dans d’autres régions du Congo. Elles ne sont pas seulement élevées pour leur viande, mais aussi comme une forme d’épargne et d’investissement. Lorsqu’une chèvre se reproduit, elle devient une source de revenus supplémentaire pour les familles.

La joie des enfants en milieu rural congolais : Accueillir avec enthousiasme les animaux domestiques à la maison et les nourrir avec amour pour les voir grandir.

Les chèvres sont également présentes dans les cérémonies traditionnelles de la région, notamment lors des cérémonies de dot. Dans le grand Kasaï, lorsqu’on parle de la dot d’une fille, on fait souvent référence aux chèvres. Ces animaux font partie intégrante des relations sociales et culturelles des habitants, tout en étant appréciés pour leur goût délicieux. On dit d’ailleurs que les chèvres du grand Kasaï ont un goût particulier, si bien que certains étrangers n’hésitent pas à en importer.

Les chèvres représentent un potentiel économique dans les villages du grand Kasaï, où elles peuvent parfois être vendues à des prix élevés, atteignant environ 250 000 FC (100 $). Cependant, l’élevage des chèvres est confronté à des défis tels que les maladies et le manque de vétérinaires dans les régions rurales.

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Malgré ces difficultés, les chèvres s’intègrent facilement dans la vie quotidienne des foyers qui les accueillent. Elles reçoivent même des noms et sont appréciées par les enfants qui aiment partir à l’aventure avec elles dans la brousse. Les chèvres du grand Kasaï sont attachées dans la brousse, où elles se nourrissent librement.

Ainsi, les animaux domestiques, en particulier les chèvres, jouent un rôle essentiel dans la vie rurale en RDC, contribuant à la subsistance des communautés, à leurs traditions et à leur économie locale.


La Lubilanji Lwa Tshilemba : Mon lien intime avec cette rivière qui façonne mon identité luba au cœur du Grand Kasaï

La localité de Bena Kabemba vue du ciel

Savez-vous quoi ? Ma région, le Grand Kasaï, située au centre de mon pays, la RDC, est caractérisée par de vastes étendues naturelles et des villages traditionnels. On y trouve de nombreux lacs, rivières et sources. Je mentionne cela car mon village, Bena-Kabemba, fait partie du groupement de Bena Kaseki dans la province de Lomami et est situé près de la rivière Lubilanji Lwa Tshilemba.

Localisation Bena-Kabemba

Dans notre grande région, les rivières ont une signification symbolique importante et sont étroitement liées à l’histoire des clans et tribus. C’est également le cas de notre majestueuse « Lubilanji Lwa Tshilemba », une rivière qui occupe une place centrale dans l’histoire de notre tribu. Avez-vous déjà entendu parler des « Baluba » en RDC ? Les Baluba sont une grande ethnie d’Afrique centrale présente aujourd’hui dans les provinces du Kasaï, Sankuru, Kasaï Central, Kasaï Oriental, Lomami et même dans la région du Katanga. Il existe également quelques communautés baluba en Zambie et en Angola. Les Balubas du Grand Kasaï sont généralement appelés « Les balubas du Kasaï » et se déclinent en plusieurs branches, dont les baluba-lulua et les baluba-lubilanji. Mon village fait partie de cette dernière branche.

Remarquez-vous quelque chose ? Les noms « Lulua » et « Lubilanji » font référence à des rivières qui sont aujourd’hui étroitement liées à notre identité ethnique. Selon les anciens de mon village, lorsque les Balubas du Kasaï cherchaient à s’installer par le passé, certains se sont installés le long de la rivière Lulua tandis que d’autres ont choisi la rivière Lubilanji, et ainsi de suite.

C’est ainsi qu’on ajoutait le nom de leur rivière pour préciser de quelle partie des Baluba on parlait. Bien sûr, il existe plusieurs versions de cette histoire qui se racontent. Vous comprenez donc pourquoi notre « Lubilanji » a une signification très symbolique pour nous. En réalité, même la Lubilanji se divise en plusieurs sections, dont la « Lubilanji Lwa Tshilemba » qui est celle qui nous concerne, ainsi que la « Lubilanji Lwa Kalelu » et d’autres.

#AccèsÀLeauPourTous

La RDC, gardienne de plus de 50% des réserves d’eau du continent africain, fait face à un paradoxe alarmant. Malgré cette richesse naturelle, 33 millions de personnes en milieu rural n’ont toujours pas accès à une eau de qualité.

Lubilanji Lwa Tshilemba

La majestueuse rivière qui traverse les provinces de Lomami et Kasaï Oriental au cœur de la RDC.

Notre Lubilanji Lwa Tshilemba traverse une longue chaîne de villages, dont le mien, et offre des paysages magnifiques ainsi que des possibilités agricoles. Dans mon village, elle nous offre une vue imprenable et abrite même une petite île sur laquelle certaines personnes cultivent, tant dans mon village que dans les villages environnants. Cela confère à notre vie rurale une particularité unique.

Une vue aérienne de la rivière Lubilanji Lwa Tshilemba et la petite île au niveau du village Bena Kabemba

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Les avantages pour les villages situés près des rivières, comme mon village, sont nombreux : accès à l’eau, possibilité d’agriculture sur les terrains marécageux, pêche, etc.

J’aime énormément mon village. Les gens disent même à la radio que tout cela constitue un potentiel touristique inexploité et que les hommes politiques devraient envisager de le valoriser. Je suis d’accord avec eux, mais quoi qu’il en soit, je suis moi-même déjà un grand admirateur de la beauté naturelle des étendues et rivières de ma région.

Un champ agricole sur un terrain marécageux au bord de la rivière Lubilanji Lwa Tshilemba
Une charmante femme du village de Bena Kabemba

#LaVieRuraleAfricaineRacontéeParRuben


Mon village et le réseau ferroviaire tissent une amitié intemporelle…

En ville ? Je n’y suis jamais allé. J’aime énormément mon village et, en plus, je suis encore jeune et dépendant de mes parents. Donc, ce sont eux qui prennent les décisions. J’étudie et j’apprends beaucoup de choses. Par exemple, je vis dans le village de Mpoyi-Mesu, une localité du groupement de Bakwa-Tshilundu, dans le territoire de Dibaya, province du Kasaï Central. Vous voyez ? Je sais situer mon village. En fait, savez-vous que mon village est situé le long de la voie ferrée, tout comme de nombreux autres villages de la région ? C’est vrai que je ne vois pas souvent passer des trains de voyageurs, mais il m’arrive de voir des trains de marchandises qui continuent à circuler.

Un train de marchandises quittant la ville de Kananga en direction du Grand Katanga

Les personnes âgées de mon village, que nous appelons « patriarches », nous racontent souvent qu’il fut un temps où cette ligne ferroviaire était très fréquentée. Le transport des personnes et des biens était simple et facile. Cette voie ferrée devant mon village part de la ville de Kananga, chef-lieu de notre province, et se dirige vers la ville de Mwene-Ditu jusqu’au grand Katanga.

Déraillement d’un train de transport de marchandises dans le village de Mpoyi-Mesu

Je suis triste de constater que les trains ne passent plus régulièrement. On raconte qu’à l’époque où c’était le cas, l’économie de notre région était florissante. Le transport de nos produits vers les grandes villes était facile et efficace, ce qui a favorisé le développement de nombreux villages le long de la voie ferrée. Aujourd’hui, les grands villages de notre région sont des villages-gares qui ont connu leur apogée par le passé. Les gares sont majoritairement fermées ou abandonnées. Il est plus difficile aujourd’hui d’atteindre les villes, que ce soit seul ou avec des marchandises, car les routes ne sont pas encore construites. Chaque jour, je vois rarement les rails, car ils sont juste à côté de ma maison et nous jouons souvent là-bas. Ces rails sont également dans un état de délabrement avancé. Les rares trains de marchandises qui y passent rencontrent souvent des défis, notamment des déraillements. Ce que j’aime lorsque cela se produit, c’est de voir de nouvelles personnes. Oui, dans les trains de marchandises, il y a aussi des voyageurs qui s’y joignent. Ainsi, en attendant que les secours viennent réparer leur train, nous sympathisons. Ils me parlent de la ville et moi je leur parle de la vie au village.

Le vieux wagon du train de transport de marchandises utilisé ici comme abri pour les passagers lors de leurs longs voyages. Cependant, cet abri est en plein air, exposant les passagers aux éléments tels que le soleil et la pluie. Dans l’image, vous pouvez également voir les cases du village Mpoyi Mesu en arrière plan.

Dans mon village, il y a déjà eu environ deux déraillements cette année. Les gens de mon village disent que les élections auront lieu en décembre de cette année et que cette fois-ci, nous devons voter utile pour élire des dirigeants utiles qui pourront réhabiliter le réseau ferroviaire.

Vous savez, mon village est synonyme de calme et de tranquillité. Nous y respirons de l’air frais grâce à la biodiversité environnante. Oui, nous avons des forêts, des champs agricoles et les gens vivent généralement en harmonie, avec un fort sens de la communauté. Si vous passez par ici un jour, vous me donnerez sûrement raison.

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LaVieRuraleAfricaineRacontéeParRuben


Quand le commerce s’invite dans les critères de mariage dans mon village

Connaissez-vous mon village ? la chefferie de Bakwa-Mulumba, c’est en RDC, dans la province de Lomami. On dit souvent que c’est un village commercial, en raison de son marché qui est l’un des plus grands de la région de Ngandajika. Les habitants de mon village vivent principalement de l’agriculture, car nous avons des terres très fertiles qui nous permettent de produire une grande quantité de denrées alimentaires. En plus de l’agriculture, le commerce est également très présent dans notre village. Nous avons de nombreux commerces, notamment des boutiques de vêtements et de produits de première nécessité.

Une photo aérienne du marché Muzewu de Bakwa-Mulumba, Jeudi 18 Août 2023

Notre marché, appelé « Muzewu », est ouvert seulement deux jours par semaine, les jeudis et les dimanches. Si vous avez l’occasion de visiter mon village, vous serez captivé par l’ambiance qui règne dans notre grand marché. C’est un lieu où l’art, la culture et la diversité de notre village se rencontrent.

A l’entrée du marché Muzewu, un homme arrive et croise un marchand de chapeaux locaux, il demande le prix au marchand qui est lui-même l’artisan.

Vous remarquerez également quelque chose de particulier : de belles jeunes filles. Les habitants disent souvent que les filles de mon village sont belles. Elles sont présentes dans les affaires et vendent différentes choses, notamment des patates grillées. Mon village et les villages environnants produisent des patates, parfois de très grosses patates, et les filles les achètent pour les revendre en morceaux cuits. Pendant les jours de marché, il y a beaucoup de monde qui vient de toute la région : des marchands, des acheteurs, et lorsqu’ils ont faim, ils peuvent acheter un morceau de patate cuit pour un prix abordable, environ 100 francs (0,40€).

Mais savez-vous pourquoi les jeunes filles de mon village font du commerce ? Il y a une autre raison : le mariage. Les hommes de mon village, comme dans beaucoup d’autres endroits, ont des critères pour choisir leur partenaire, et ils sont particulièrement intéressés par les femmes commerçantes. Cela s’explique facilement : le travail agricole est prédominant dans notre village, et avoir une femme qui a le sens des affaires serait complémentaire. De plus, les jeunes filles de mon village font également du commerce pour gagner leur indépendance financière. Elles ont besoin d’argent pour subvenir à leurs besoins, acheter des vêtements, des bijoux et d’autres produits pour femmes. Lorsqu’elles sont autonomes financièrement, elles peuvent attirer des prétendants. En effet, les femmes de mon village aiment le mariage.

Ainsi, le commerce joue un rôle important dans les critères de mariage de mon village. Les hommes recherchent des femmes qui ont le sens des affaires, tandis que les jeunes filles voient dans le commerce une opportunité d’indépendance et de stabilité financière. C’est une réalité intéressante qui reflète la vie dans le milieu rural africain.

#Ruben, qui raconte le milieu rural africain.

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La magie de la photographie : Capturer l’instant, raconter des histoires et peut-être changer le monde

| Journée mondiale de la photographie |

La lumière danse sur mon objectif, capturant des instants éphémères, figeant l’émotion dans une image immortelle. En tant que photojournaliste, je suis le témoin silencieux des histoires qui se déroulent devant moi. Chaque clic de l’obturateur est une promesse de vérité, un cri silencieux qui résonne à travers mes clichés.

Depuis huit années, la photographie a tissé sa toile autour de mon âme, m’enveloppant de son pouvoir magique. Elle m’a permis de révéler les beautés cachées, les injustices criantes, les sourires éclatants et les larmes silencieuses. Elle m’a offert une voix sans mots, une voie vers l’âme de l’humanité.

Aujourd’hui, en cette journée mondiale de la photographie, je célèbre cette passion qui m’anime, cette alchimie entre l’art et la réalité. Je rends hommage à tous les photojournalistes qui, comme moi, se lèvent chaque jour avec l’objectif de capturer la vérité, de raconter des histoires et de changer le monde, une image à la fois.

Alors que le 31 août à venir marque la journée mondiale du blog, permettez-moi de dire avant cette date que c’est pour cela que je blogue. À travers mes mots et mes images, je cherche à donner une voix à ceux qui ne peuvent pas s’exprimer, à partager des histoires qui méritent d’être entendues et à inspirer ceux qui me lisent.

Que la lumière continue de guider nos pas, que nos objectifs continuent de révéler les vérités cachées, et que nos clichés continuent d’inspirer et de provoquer. En cette journée dédiée à notre art, nous nous unissons dans notre quête commune : capturer l’instant, immortaliser l’émotion, et laisser une empreinte indélébile dans l’histoire de l’humanité.

Joyeuse journée mondiale de la photographie à tous les artistes de l’objectif, les gardiens de la mémoire et les conteurs visuels. Que nos images continuent de parler pour ceux qui ne peuvent pas, et que notre art continue de transcender les frontières et de toucher les cœurs.

Ensemble, nous écrivons l’histoire avec la lumière.

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Le Boulanger de Luandanda : Quand l’art de la baking rencontre la ruralité

Dans le vaste paysage du grand Kasaï, le pain est souvent considéré comme un luxe réservé aux habitants des villes. Mais dans le pittoresque village de Luandanda, situé à 27 kilomètres de la ville de Kananga, un homme a décidé de défier les conventions en apportant la boulangerie au cœur de la campagne.

©RubenEnReportage – le boulanger de Luandanda

Monsieur Kalombo Sébastien, résident de Luandanda, a fait preuve d’une ingéniosité sans pareille en construisant sa propre boulangerie dans sa cour, en utilisant des matériaux locaux et de récupération. Son four en terre et en argile cuite, qui ressemble à une case traditionnelle, émet une douce fumée par son unique ouverture. C’est ici que Sébastien produit quotidiennement une cinquantaine de pains à base de farine de froment, répondant ainsi aux besoins des paysans de son village.

©RubenEnReportage – 2022 le four à pain traditionnel en argile de Luandanda

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« J’ai appris l’art de la boulangerie auprès d’un ami, et depuis, cette passion ne m’a jamais quitté. Aujourd’hui, je parviens à subvenir aux besoins de ma famille grâce à cette activité », témoigne fièrement le boulanger.

Le prix d’un pain varie entre 300 et 500 francs congolais, rendant cette délicieuse gâterie accessible à tous. Cependant, le défi majeur auquel Sébastien fait face est l’approvisionnement régulier en farine de froment, qui l’oblige à se rendre chaque semaine en ville, à Kananga, pour s’approvisionner. Les prix des sacs de farine fluctuent constamment, rendant cette tâche épuisante pour le boulanger.

Le four artisanal de Luandanda est alimenté par du bois de chauffage, une ressource abondante grâce aux forêts environnantes. Sébastien souligne avec fierté que ses fils l’aident joyeusement en allant chercher les fagots de bois nécessaires dans les bois avoisinants. Cette collaboration familiale renforce le lien entre tradition et modernité, créant ainsi une harmonie entre l’art ancestral de la boulangerie et les ressources naturelles de la région.

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Le boulanger de Luandanda est bien conscient de l’importance de son rôle dans la communauté. Non seulement il fournit du pain nourrissant et délicieux, mais il apporte également une touche de modernité et d’innovation dans un environnement rural souvent oublié.

« Ma boulangerie est bien plus qu’un simple lieu de production de pain. C’est un symbole de progrès et de possibilités pour notre village. J’espère inspirer d’autres personnes à suivre leurs passions et à créer des opportunités là où elles semblent impossibles », confie Sébastien avec enthousiasme.


Tangawisi : Le jus de gingembre local qui conquiert les villages congolais

Dans les villages de la région du Kasaï en République démocratique du Congo, une nouvelle boisson fait sensation : le jus de gingembre. De plus en plus présent dans les foyers, notamment dans le village de Bitanda, il conquiert le cœur des habitants.

Le gingembre à l’état naturel. Image par Maja Cvetojević de Pixabay

Les bienfaits du gingembre

Le gingembre, une racine aux multiples vertus : antibactériennes, anti-inflammatoires et antiparasitaires, il est réputé pour ses bienfaits sur la santé, notamment pour le système cardiovasculaire, immunitaire et digestif. Sous forme de jus, il conserve toutes ses propriétés nutritionnelles, en faisant ainsi une option de choix pour les populations rurales en quête de boissons nourrissantes.

Disponibilité et prix

Cependant, la recette du jus de gingembre n’est pas connue de tous, raison pour laquelle il n’est pas encore présent dans tous les foyers. Néanmoins, il peut être acheté sur les marchés locaux à un prix abordable (entre 50 et 100 francs congolais par verre). Le goût concentré et réconfortant du jus de gingembre est apprécié pour son côté épicé, piquant et légèrement amer. Les ventes de cette boisson connaissent une croissance rapide grâce à ses propriétés énergisantes et ses bienfaits pour la santé. Les paysans de la région du Kasaï ont ainsi trouvé une nouvelle boisson locale, à la fois nourrissante et réconfortante.

« Maman connaît la recette de Tangawisi, elle en produit et m’envoie le vendre au marché. J’ai des clients ici au marché qui aiment beaucoup le jus, les papas, les mamans, et surtout les enfants… » témoigne Héritier, le jeune marchand de gingembre aperçu sur le marché de Bitanda.

La popularité croissante du jus de gingembre

Le goût concentré et réconfortant du jus de gingembre est apprécié pour son côté épicé, piquant et légèrement amer. Les ventes de cette boisson connaissent une croissance rapide grâce à ses propriétés énergisantes et ses bienfaits pour la santé. Les paysans de la région du Kasaï ont ainsi trouvé une nouvelle boisson locale, à la fois nourrissante et réconfortante.

« Je m’appelle Nico, j’aime beaucoup le tangawisi. Papa m’encourage toujours à en consommer régulièrement. Il dit que ça va guérir mes parasites… » témoigne avec enthousiasme Nico, un jeune habitant de Bitanda, qui apprécie les bienfaits du Tangawisi sur sa santé.

Tangawisi : une source de revenus et un symbole de l’identité locale

« Tangawisi, c’est la boisson de chez nous, nous la consommons malgré son côté piquant. Elle guérit nos maladies… » affirment fièrement les paysans de Bitanda.

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Grâce à sa popularité croissante, le jus de gingembre est devenu une source de revenus pour de nombreux agriculteurs locaux. Ils cultivent le gingembre avec soin, veillant à fournir une matière première de qualité pour la production de Tangawisi. Cette boisson est désormais un symbole de l’identité et de la culture locale, renforçant le lien entre les habitants de Bitanda et leur terre.