Un récit artisanal : les baleinières de Dibaya-Lubwe

Article : Un récit artisanal : les baleinières de Dibaya-Lubwe
Crédit: Ruben en reportage
3 janvier 2024

Un récit artisanal : les baleinières de Dibaya-Lubwe

En République démocratique du Congo (RDC), le terme « baleinière » prend une signification particulière. Il désigne des péniches, ces bateaux à fond plat, qui sillonnent les eaux du fleuve Congo et de ses affluents, créant ainsi un réseau vital de transports fluviaux et lacustres.

Tout comme les poissons, les baleinières ont leur propre histoire à raconter dans les villages qui longent la majestueuse rivière Kasaï, en territoire d’Idiofa, dans la province de Kwilu. Les baleinières, appelées ainsi en référence aux premiers bateaux à vapeur métalliques du bassin du fleuve Congo, ont une histoire profondément enracinée. L’évolution du terme, résultat des influences linguistiques européennes, témoigne des transformations socio-culturelles. Autrefois associé aux petites embarcations de servitude en tôle, le terme désigne désormais un bateau à fond plat, construit en bois local, utilisé pour le transport de marchandises et de passagers.

💡Le Saviez-vous ?

Dans les langues locales d’Afrique centrale, le terme « bateau à vapeur » a été traduit littéralement en « pirogue à fumée » (« owaro-otutu » ou « mbongo-a-motutu »). Une métaphore poétique pour désigner les premiers bateaux à vapeur métalliques explorant les voies navigables de la région.

Les baleinières au coeur du réseau fluvial en RDC

Avec une superficie hydraulique imposante, Dibaya-Lubwe offre un spectacle mémorable à quiconque l’évoque. Son grand port, un héritage du Maréchal Mobutu, s’inscrit comme une icône incontournable. Ce port, synonyme de transport fluvial, est le théâtre d’une diversité de bateaux, pirogues et bien plus encore. Au cœur de ce réseau fluvial les baleinières, ces embarcations traditionnelles en bois aux lignes artisanales, jouent un rôle vital. Ces navires, intensément utilisés par les exploitants et les habitants riverains, naviguent là où les grands navires ne peuvent accéder. Ils assurent le transport essentiel des passagers et des marchandises, liant ainsi Dibaya-Lubwe à Ilebo, de Dibaya-Lubwe à Bandundu, et au-delà.

Le port de Dibaya-Lubwe : des baleinières artisanales en pleine activité déchargeant les marchandises et les biens des clients/photo du Reporter (Ruben)

Cependant, les baleinières dépassent le simple statut de moyen de transport. Elles incarnent une prise de conscience en République démocratique du Congo quant à la valeur de ses ressources naturelles. Grâce aux riches forêts du pays, toutes les essences de bois nécessaires à la construction de ces embarcations sont à portée de main. Jadis destiné principalement à l’exportation, le bois connaît aujourd’hui une valorisation locale croissante, générant de nouveaux emplois et stimulant la construction de davantage de baleinières.

Des planches de bois, issues de la forêt équatoriale au bord de la rivière Kasaï/photo du Reporter (Ruben)

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La conception de baleinière

Façonner une baleinière, c’est s’engager dans une aventure exigeante qui demande du temps, de la patience, des compétences pointues et une véritable passion pour l’artisanat. Pour faire simple : chaque planche raconte une histoire de détermination et de travail acharné.

Le groupe de jeunes fabricants de baleinières de Dibaya-Lubwe/photo du Reporter (Ruben)

Au cours de son exploration, le Reporter a eu le privilège de rencontrer un groupe de jeunes de Dibaya-Lubwe, durant l’une de ces constructions.

Les mains expertes de ces jeunes artisans transforment le bois brut de la forêt en une embarcation robuste de 15 à 30 mètres de long, capable de transporter entre 40 et 140 tonnes de marchandises sur les eaux majestueuses de la rivière Kasaï. Ces artisans utilisent des outils traditionnels de bûcheron et de charpentier, tels que des haches, des coins, des masses, des scies à main, des scies de travers, des ciseaux, des lissoirs, des marteaux, des rabots, et bien d’autres encore.

Cette métamorphose artistique, souvent étalée sur plusieurs mois, est une ode à la fusion de la tradition et de la fonctionnalité au cœur de la vie fluviale à Dibaya-Lubwe.

Mais chaque embarcation raconte aussi une histoire de prudence. Chaque année, les nouvelles sont remplies de tragédies de baleinières ayant fait naufrage. Ces incidents, souvent mortels, mettent un grand accent sur l’importance d’une construction minutieuse et détaillée, soulignant la gravité des risques encourus.

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